Philosophie

Qu'est-ce que le mental ? Et nous est-il utile ?

Par Laurence Mouton Shakti,
Sophrologue et Psychanalyste à Lille.

Question de philosophie en interaction avec vous à L’Atelier de Yoga et de Sophrologie :

POUR SORTIR DES DIFFICULTES DE LA VIE, FAUT-IL TRAVAILLER LE MENTAL ?

Question qui nous a été posée par notre élève Christelle, à l’issue de la séance de Yin Yoga, du dimanche 4 avril 2021, d’où notre état susceptible de vous sembler léthargique.

Nous attendons vos réflexions. Merci donc de partager vos commentaires sous notre 1er épisode de la chaine YouTube créée pour l’occasion sans véritables attentes et sans doute avec une forme de désinvolture.

Si vous êtes réactifs, nous vous répondrons à travers une nouvelle vidéo. Dans le cas contraire, nous laisserons notre mental au repos cette fois.

Bonne chance à tous.

Laurence et Ariel

Namastė.

PS : Attention, le rythme et le ton de cette vidéo de presque 7 mn est susceptible de provoquer une réaction inhabituelle, en sérieux décalage avec le rythme de l’air du temps. Prenez-en compte pour répondre à notre question du jour.

Commentaire de Marie Decomble :

Lors des épreuves rencontrées, c’est d’instinct, je pense, que je réagis, je rebondis, pour les franchir et survivre.
Et parfois le mental est en surrégime et passe en off car l’épreuve me submerge. Je l’accepte et me donne le temps nécessaire pour reprendre des forces, puis c’est reparti !
A l’image des océans et de leurs états déchaînés, puis le calme revient après la tempête.

Le mental n’a pas toujours la maîtrise des événements. Je peux parfois nier la vérité. C’est alors le corps qui parle et craque. C’est le signe qu’il faut s’arrêter pour que le mental puisse s’apaiser. Alors, je reprends des forces, je mets du sens sur ce que je vis.
Et la vie reprend son cours et s’annonce un nouveau chapitre à mon histoire…
Namasté
Marie

Réponse de Laurence à Marie :

Merci Marie pour ta réponse éclairante. Tu es la première à avoir réagi à cette question de Christelle qui nous avait semblé particulièrement pertinente.

Tu nous décris à merveille le fonctionnement des émotions qui, comme l’intellect, fait partie de notre mental. Tu réagis avec « instinct », celui-là même qui a permis à l’espèce humaine de survivre face aux prédateurs. Si l’Homme a gardé ce patrimoine génétique utile dans un environnement et des situations hostiles, il n’a plus nécessairement besoin de l’activer à ce point aujourd’hui. Le bon stress lui suffirait amplement pour résoudre ses problèmes, autrement dit pour passer à l’action avec ce qu’il faut d’adrénaline et de cortisol. Ni plus ni moins. S’il dépasse les doses nécessaires pendant trop longtemps, son organisme passe en « off », comme tu l’exprimes si bien. Dans les cas extrêmes, arrive ce que l’on nomme aujourd’hui le « burn out ».

Toi, Marie, tu expliques que tu écoutes ton corps, comme on peut le faire, par exemple, en Yin yoga et en Sophrologie. Tu mets ainsi ta magnifique enveloppe charnelle et ton mental sur pause pour récupérer et mieux repartir. « Alors je reprends des forces, je mets du sens sur ce que je vis », dis-tu. « Et la vie reprend son cours et s’annonce un nouveau chapitre à mon histoire ». En conclusion, après un temps de récupération, tu repars le cœur et le corps gonflés d’énergies hautes.

Merci infiniment, Marie, pour ton beau texte qui témoigne que le mental nous est utile dans certaines situations délicates et qu’il est susceptible de nous épuiser quand il occupe trop le terrain.

*

Commentaire de Valia Juzac :

La question est intéressante, et je viens mettre mon « grain de sel » dans cette discussion.
Nos difficultés dépendent souvent de nos représentations mentales :
Un jour j’ai lu cette citation du philosophe Epictète : « ce ne sont pas les événements qui troublent les hommes, mais les idées qu’ils s’en font » : nous faisons face à ce qui nous arrive avec toute notre subjectivité.
Notre perception repose en grande partie sur notre vécu. Nous avons vécu des situations dans le passé, et de ces situations nous avons tiré des « leçons de vie » bonnes ou mauvaises qui demeurent ancrées dans notre psyché. La somme de nos croyances, leçons, habitudes de pensée, mais aussi nos représentations imaginaires influe sur notre vision et étaye notre compréhension des situations.
Notre mental joue un rôle majeur dans les difficultés de la vie et cela peut aller jusqu’à nous gâcher la vie :
S’entêter sans résultat, se tracasser inutilement, croire à l’impossible, rester assis sur ses idées sans les remettre en question, répéter encore et encore les mêmes comportements sans prendre en compte leur inefficacité : nous sommes nombreux à nous gâcher la vie parce qu’on raisonne mal, parce qu’on ne change rien ou parce qu’on agit de façon inappropriée.
Apaiser le mental peut aider à faire la clarté sur la situation
On sait aujourd’hui le rôle que joue le mental dans le stress et inversement : a corps détendu, esprit détendu. Si nous ne vivons que sous tension, avec un stress élevé permanent, l’irritabilité ou l’angoisse deviennent plus fréquentes. La relaxation favorise la concentration, optimise le raisonnement et dissipe les émotions négatives. Ainsi, notre vision des situations s’en trouve améliorée et nous pouvons agir avec plus de lucidité et d’efficacité…
La souffrance fait partie de la vie
Vouloir écarter toute souffrance de sa route est une entreprise parfaitement vaine qui consisterait à se soustraire à une part essentielle de l’humanité ; On est tellement habitué aujourd’hui à faire tout ce qui est possible pour ne pas souffrir, qu’on en oublie à bien des égards que ce n’est pas possible. On comprend néanmoins ce désir éminemment humain d’éviter la douleur. Certaines souffrances sont directement conséquentes de la manière dont on est sourd à soi-même et dont on se néglige ; Elles nous arrivent parce qu’on a flirté avec le danger. D’autres nous tombent dessus par pur hasard, malencontreusement, comme une tempête qui vient s’abattre sur notre maison. C’est frustrant et ce qui révolte, de surcroît, c’est l’absence de sens.
Pour sortir des difficultés de la vie, il peut être utile de comprendre le rôle que joue le mental mais aussi de développer ou d’aiguiser sa vision, par le cheminement spirituel.
La souffrance se traduit le plus souvent comme une fixation morbide sur soi-même. Sur le plan spirituel, elle entraîne un rétrécissement de la vision du monde… Elle s’impose à chaque personne en vertu des développements de son existence.
On souffre parce-qu’on anticipe la souffrance, on a peur du danger, peur de l’échec, peur de la mort. On souffre parce-qu’on aime et qu’au fil du temps, l’amour s’essouffle et s’en va, on souffre parce-que la mort nous arrache ceux qui nous sont chers, on souffre parce qu’on n’est pas accepté comme on est, parce-que la réalité résiste à nos désirs, parce qu’on a des ambitions qui ne se réalisent pas et que l’échec nous confronte à nos manquements et nos limites, parce que notre vie ne ressemble pas à ce dont on rêvait etc.
Certes, nous sommes limités, tout comme notre liberté. Nous ne sommes pas libres par rapport aux conditions qui nous entourent, mais nous pouvons prendre position à leur égard. N’est-ce pas ce qui est suggéré dans de nombreux textes spirituels ou philosophiques ? Personnellement, je n’aime pas l’idée de « travailler » sur le mental. Je préfère des mots comme « cheminer » mentalement, pour gagner en conscience, en connaissances, en détachement et progressivement apporter de la lumière dans nos âmes tourmentées.

Réponse de Laurence à Valia :

Tu as bien fait de mettre ton grain de sel, Valia, et je t’en remercie. On voit dans ton témoignage combien le mental actif peut être aussi source de souffrance dans la mesure où il est intimement lié à la peur, au deuil, au sentiment d’abandon. A tout ce qui finalement est inhérent à notre condition humaine. Notre mental constitue également celui qui crée des représentations agréables ou pas à partir de notre histoire et de nos projections intellectuelles. Il est parfois possible de modifier ces représentations par la prise de conscience de leur provenance. Enfin, c’est le début d’un chemin.

La dimension spirituelle que tu évoques peut, en effet, pour certains d’entre nous, devenir un espace permettant une mise à distance de nos crispations corporelles générées par un mental suradapté.

*

Commentaire d’Anne Galmant :

Je trouve les commentaires de Valia et de Marie très justes.
Je pense moi aussi qu’il est nécessaire d’activer son mental pour avancer et faire des choix en conscience. Pour s’instruire et se documenter. Mais aussi prendre les bonnes décisions, déconstruire et reconstruire nos croyances sur soi, sur la vie, activer notre libre arbitre.
Mais calmer le mental est indispensable pour se faire et ne pas tomber dans la rumination et les remises en questions incessantes qui aboutissent à la charge mentale, au surmenage, à l’épuisement, aux accidents ou maladies, à la perte de l’estime de soi et au burn out.
Pour ma part, la méditation, le yoga m’aident énormément à revenir à Moi : quitter l’espace de réaction, regarder, observer, prendre du recul et de la hauteur sur mes pensées et ce qui se passe dans mon corps. Faire taire le mental et écouter davantage mon intuition, ma boussole intérieure. Me détacher du regard des autres m’aident aussi énormément en ce moment à lâcher le contrôle et m’ouvrir aux possibilités de la vie. M’entourer aussi de personnes « guides » et choisir en conscience ce que je décide d’écouter, de lire, de regarder pour ne pas me laisser polluer.
Une façon pour moi de prendre soin de mon mental.

Réponse de Laurence à Anne :

Joli conclusion, Anne. Merci. Car notre mental n’est surtout pas notre ennemi. Il a permis la survie de l’espèce humaine. Et chaque jour, il s’agit de le remercier pour l’aide qu’il peut nous procurer intellectuellement et émotionnellement, car c’est bien lui qui nous prévient d’un danger et nous en préserve. Toutefois, il s’agit, en effet, de modérer l’animal.
Finalement, tu parles de calmer le hamster qui coure infiniment dans sa roue, métaphore bien connue désormais pour illustrer l’activation en flux tendu de notre mental qui engendre une grande fatigue physique et morale. Lui permettre de reprendre son souffle, notamment par des poses respiratoires et une simple contemplation, n’est ni plus ni moins prendre soin de ce petit animal bien souvent trop fougueux pour ne pas s’épuiser dans la durée.
Merci, Anne, de nous l’avoir rappelé.

*

Commentaire de Christelle El Masri :

Merci pour vos réponses très intéressantes et complètes. Je suis aussi touchée par votre générosité à partager vos réflexions philosophiques sur la condition humaine au sein d’une société qui ne promulgue que consommation et acquisitions au détriment du bien-être physique et mental des humains.

Les cours de yoga et méditation m’apportent un apaisement mental et physique. Aucun sport ne m’a donné autant de bienfaits.

Merci bien à vous

Bonne journée pétillante à tous.

Réponse de Laurence à Christelle :

Je n’aurais de cesse d’émettre la pensée que nos élèves et mes patients me donnent de l’énergie pour continuer actuellement dans un climat aussi complexe. Nous avons effectivement besoin de notre mental pour réfléchir posément à l’avenir que nous imaginons pour l’humanité et le règne animal, et pour passer à l’action afin de mettre en pratique nos visions.

Chacun et ensemble, nous pouvons espérer une véritable écologie de vie dans la mesure où c’est bien dans la coopération que nous gagnons en puissance. Une même pensée émanant collectivement de notre mental a toutes les chances d’aboutir. Gardons cela en mémoire, car nous allons probablement en avoir besoin très bientôt. Ainsi, Christelle, nous te sommes très reconnaissants, Ariel et moi, d’avoir insufflé l’idée de réfléchir collectivement, même si cela n’était pas vraiment ton intention de départ.

A très bientôt, Christelle, sur nos tapis de yoga pour une méditation en yoga nidra autour d’un Sankalpa, soit une intention en sanskrit.

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